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Courrier des lecteurs
vendredi 27 février 2015, par .
Après un communiqué irréprochable d’AL dénonçant les tueries à Charlie Hebdo et à l’hyper Cacher, c’est rassurée que j’ai commencé la lecture du numéro de février, dont j’attendais une analyse pertinente de la situation, communiste et libertaire à la fois, après le grand carnaval du 11 janvier.
Les pages 2 et 3 ont bien rempli cet office, dénonçant le fanatisme , les manipulations politiques de récupération sous l’étendard éculé de l’unité nationale, les conséquences prévisibles à l’encontre des populations ouvrières musulmanes ou supposées l’être, le contexte international sans oublier de rappeler un des fondements du mouvement communiste libertaire : son combat contre toutes les religions.
Enfin un journal d’extrême gauche qui évite l’écueil – dénoncé dans « Antiracisme, laïcité, anticléricalisme » - de l’« islamo-gauchisme » et tente de prendre un peu de hauteur !
Mais la page tournée, l’atterrissage est douloureux.
Dans « Solidaires malgré l’union sacrée », l’auteur de l’article n’a pu résister à l’envie irrépressible d’apporter de l’eau au moulin des broyeurs de la liberté et de regagner le camp majoritaire des gauchistes (et moins gauchistes) pour lesquels la moquerie de l’islam est un acte raciste parce que ce serait la religion des opprimés.
« Solidaires » ? Mais avec qui ? Pas avec l’équipe du journal en tout cas.
Il semble qu’il y ait une nécessité impérieuse de se démarquer de ce journal, au cas où des lecteurs imbéciles aient pu penser que Charlie Hebdo était un appendice d’Alternative libertaire. Et de rappeler les éditos de Philippe Val, ses prises de positions pour le moins contestables, son soutien à l’OTAN au Kosovo… (A ce propos : qu’en disait l’AL à l’époque ?) Son départ aurait « permis d’aérer le journal » : un commentaire qui, au delà de brasser du vent – permet de taire l’ignorance du contenu de ce journal depuis toutes ces années. Un contenu à l’image des chroniqueurs et des dessinateurs, pour certains proches du PS , pour d’autres, du PCF, d’EELV ou du mouvement libertaire…, exprimant des positions différentes voire contradictoires sur des sujets comme la pénalisation des clients des prostituées, pour ne prendre qu’un exemple d’actualité.
Alors pourquoi consacrer un tiers de l’article à prendre ses distances, à aligner les renvois à des critiques haineuses du journal si ce n’est pour mieux amener l’idée selon laquelle « ils ne l’auraient pas volé » ? La satire de l’islam aurait « laissé un goût amer au lectorat antiraciste » : merci pour tous ceux qui n’ont pas eu la même perception et se retrouvent stigmatisés comme racistes !
Oui, la position n’est pas simple à tenir dans le combat antiraciste, mais devons-nous mettre un mouchoir sur nos convictions antireligieuses pour autant ? Critiquer sans vergogne les caricatures de l’islam qui sont à l’origine même de l’exécution des dessinateurs permettra sans aucun doute d’intégrer sans conflit les grands mouvements unitaires anti racistes – traversés eux mêmes par des associations à la religiosité à peine voilée (ou trop, c’est selon) – mais ne témoigne ni de la dignité ni du courage pourtant indispensable pour défendre une des valeurs phare et constitutive de notre mouvement : toute religion est une oppression.
Afin de tenter de contre balancer ce petit historique perfide des errances de Charlie Hebdo, omettant en passant l’incendie criminel, les cyber attaques du site du journal, les menaces de mort et autres fatwas, l’auteur se sent obligé de rappeler que « ses auteurs continuaient de soutenir les luttes sociales ». Dommage que l’hommage à leurs investissements militants soit moins développé que la critique. D’autant plus que leurs engagements, depuis plus de 10 ans, portaient justement sur la défense des étrangers, avec ou sans papiers, avec ou sans emploi, avec ou sans toit. Certains ont donné de leur personne se déplaçant en soutien à des grèves, des occupations, et dessiné et encore dessiné gracieusement pour des syndicats, (dont SUD ), ou pour des organisations politiques dont l’AL.
Leurs dessins effectivement pillés allègrement par nombre de publications syndicales, politiques ou associatives, il se trouve que, ironie de l’histoire, les critiqueurs sont aussi souvent les pilleurs...
Chloé
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