Communistes libertaires de Seine-Saint-Denis

Accueil > Politique > Religions : respect, quel respect ?

Religions : respect, quel respect ?

mardi 20 janvier 2015, par Scapin.

Le lâche assassinat des personnels de Charlie Hebdo le 7 janvier avait pour prétexte la publication dans cet hebdomadaire de caricatures supposées mettre en scène Mahomet. Même si ce journal brocarde également copieusement les autres religions, les meurtriers ont considéré ces dessins comme une « insulte à l’Islam ». Manifestement, cette position n’est pas limitée aux seuls illuminés se réclamant du Djihad. En effet, depuis la parution du dernier numéro de Charlie Hebdo, des manifestations et des exactions contre des des personnes n’ayant aucun rapport avec cette publication [1] se multiplient au prétexte que la dernière Une en date de Charlie Hebdo serait une nouvelle « provocation ».

L’islam n’est pas la seule religion dont des tenants veulent ainsi imposer un délit de blasphème et avoir un droit de regard sur les expressions mentionnant la religion, qu’elles soient journalistiques ou artistiques. On se rappelle par exemple des manifestations et attentats organisés par les chrétiens extrémistes contre La dernière tentation du Christ de Martin Scorcese ; ou les manifestations violentes contre la pièce de théâtre Sul concetto di volto nel figlio di Dio de Romeo Castellucci.

On pourrait trouver beaucoup d’autres exemples illustrant la prétention de toutes les religions à régenter et contrôler toute forme d’expression mentionnant leurs croyances. Ces démarches sont dans la logique de ces systèmes d’oppression et d’aliénation.

Ces tentatives de censure se font souvent au nom du « respect ». Là commence alors un amalgame nauséabond entre respect de la religion et respect des croyants, un gloubi-boulga intellectuel visant avant tout à masquer une logique totalitaire, sous-jacente à l’ensemble des constructions religieuses.

Qu’une personne croit, dans sa sphère privée, à tel dieu, tel divinité ou telle supersitition, peu importe, ça ne regarde qu’elle. Je respecte cette personne en tant qu’individu, en lui reconnaissant le droit d’avoir ces croyances, même si je ne les partage pas. Voire, je pourrais même, le cas échéant, me mobiliser pour qu’elle ait le droit de continuer, pour elle-même, à avoir ces croyances et même à pratiquer ses rites, quand bien même ils me seraient complètement étrangers et me paraitraient farfelus. C’est la raison pour laquelle Alternative libertaire condamne les attaques contre les lieux de culte musulman ou les pratiquants de cette religion, attaques qui se multiplient depuis les événements sanglants de début janvier.

Cependant, je dénie le droit à ces personnes de tenter de m’imposer leurs croyances et leurs rites. Je refuse toute injonction à adopter pour moi-même les croyances, rites, pratiques, que je ne partage pas. Or c’est bien une injonction de ce type qui m’est faite dès lors que les croyants affichent quoi que ce soit comme sacré, qu’il s’agisse d’un texte, d’une image ou d’une représentation, ou d’une pratique. Le caractère soit-disant sacré de ces éléments poussent les croyants à se les accaparer et à prétendre être les seuls à pouvoir les utiliser, les mentionner ou porter un jugement dessus. Du respect des croyants [2], on glisse ainsi au respect des religions, c’est-à-dire l’obligation faite aux non croyants de respecter (au sens de « suivre, se conformer à ») les préceptes imposés aux et par les croyants.

Il en est ainsi, par exemple, de la soit-disant interdiction « sacrée » de représenter Mahomet. Que des musulmans et musulmanes s’interdisent ce type de représentation, grand bien leur fasse, quand bien même il s’agit là d’une interprétation particulièrement rigoriste voire extrêmiste des textes de l’islam ! C’est leur problème, je leur reconnais le droit de s’imposer à eux-mêmes ce type d’interdit, et je ne chercherai pas à les obliger à prendre un crayon et dessiner leur soit-disant « prophète » en les menaçant. C’est ainsi que je les respecte véritablement : car je les laisse pratiquer leurs rites et je ne cherche pas à les obliger à enfreindre les règles qu’ils se fixent pour eux-mêmes, malgré toute l’incompréhension que suscite chez moi ce type de superstition.

A contrario, n’étant pas croyant, je refuse qu’on m’interdise de faire ce genre de dessin, et plus encore de profiter de tels dessins faits par d’autres non-musulmans. Ce sont ceux et celles qui veulent m’interdire cette liberté de caricature qui ne me respectent pas, en tant qu’individu, en tentant de m’imposer leurs croyances. Je refuse de « respecter » leurs religions, même si je respecte les croyants et croyantes.

L’exemple des caricatures de Mahomet est éclairant et malheureusement d’actualité. Mais il en va de même pour toutes les réactions similaires qu’on peut trouver dans d’autres religions. Si j’ai envie de déféquer sur un portrait du Christ, c’est mon droit. C’est le droit d’un chrétien de ne pas le faire, et je ne vais par l’obliger à se soulager sur une image de son soit-disant « Messie ». Mais qu’il ne m’empêche pas de le faire si jamais l’envie m’en prend !

On voit qu’on est là dans le réflexe totalitaire et l’irrationalité la plus complète, même pas cohérents avec les écrits réels auxquels se réfèrent les dénonciateurs des caricatures.

En conclusion, les invocations du « respect » par les religions sont des tartufferies. Il s’agit d’injonctions fascisantes à se conformer à leurs préceptes ; d’un rejet des non-croyants. Plus que jamais, face au totalitarisme religieux, le blasphème est non seulement un droit, mais un devoir. Le blasphème est une résistance.

Scapin

Notes

[1On a même vu des églises brûlées en raison de la dernière Une de Charlie Hebdo ! Un comble quand on sait comment il se moque du catholicisme.

[2Respect qu’il faut tout de même bien relativiser. Pourquoi serait-il plus « normal » d’avoir du « respect » pour un adulte qui croit en un être suprême, invisible, indémontrable, tout puissant parce qu’il le nomme « dieu » que pour un adulte qui croirait dur comme fer au Père Noël ou à Superman ? Ce sont pourtant les mêmes logiques (ou absences de logique)... Pourquoi la croyance dans le Père Noël nous fait-elle sourire, alors que celle en dieu devrait nous inciter à accepter n’importe quelle foutaise ou comportement liberticide ou réactionnaire ?

Commentaires

Répondre à cet article

Documents

  • Document (JPEG – 44.7 ko)
    20 janvier 2015.

Recevoir l'infolettre

Site réalisé avec SPIP | Plan du site | Contact | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0